Conclusa la terza edizione! “A Prato il Mediterraneo del dialogo, delle culture, della vicinanza”.
8 Aprile 2019
“Sentieri che uniscono”: un trekking sulla Calvana per parlare del mondo
10 Aprile 2019
Show all

Sihem Bensedrine scrive al Festival, con il rammarico della sua forzata assenza a Prato

Tunis le 5 avril 2019

Bonsoir à toutes et à tous

Pour moi ce Premio Mediterraneo di Pace est une reconnaissance du travail accompli en Tunisie par l’Instance Vérité et Dignité pour avoir œuvré pendant 5 ans à régler les conflits du passé par la voie pacifique.

L’IVD a réussi à achever son mandat et à produire son rapport final. Cela en dépit du contexte hostile dans lequel elle a travaillé, car ceux qui sont concernés par le processus de redevabilité sont aujourd’hui dans des postes de commande grâce à la révolution tunisienne de 2011 qui a ouvert les voies de la démocratie à tout le monde.

Aujourd’hui, elle est en train de délivrer les décisions de réparations aux victimes de la dictature sur une période de 60 ans depuis l’indépendance de la Tunisie. L’IVD a également transféré aux chambres spécialisées en Justice transitionnelle 174 procédures où sont impliqués plus de 2000 auteurs de violations.

La dictature laisse toujours derrière elle un champ de mines fait de douleurs, de larmes, d’humiliations, de blessures profondes et de haines cumulées au fil du temps. C’est sur ces champs de haines que fleurissent les violences qui minent la société et handicapent son développement. L’IVD a entrepris un véritable travail de déminage en reconnaissant tout d’abord l’acte de violation commis au nom de l’Etat par ses fonctionnaires, en déterminant les responsabilités et en exigeant du président de la République de demander « pardon » au nom de l’Etat qui, au lieu de protéger les citoyens, a été à l’origine des violations.

Derrière ses murs clos, l’IVD a auditionné près de 50 000 victimes. Ces auditions ont témoigné de viols de femmes et d’enfants, de tortures à la chignole, à la baignoire, au poulet rôti et autres sévices où le tortionnaire redouble de créativité pour infliger des humiliations ; Que de vies brisées, de divorces forcés, d’enfants privés de leurs deux parents et exposés à la délinquance, cette Tunisie en apparence tranquille a produit ?

Dans un régime totalitaire, ceux qui choisissent d’accomplir les activités les plus monstrueuses ne sont pas si différents de ceux qui pensent en être incapables. Il s’agit d’un processus de renonciation « à cette faculté supposée acquise chez tout être social de distinguer le bien du mal » souligne avec pertinence Hannah Arendt décrivant le procès de Eichmann à Jérusalem.

C’est cet enfer qui a divisé les Tunisiens et fracturé la cohésion sociale que le processus de justice transitionnelle cherche à confronter et à exorciser par la révélation de la vérité et le travail de mémoire. Rendre compte des actes est un levier incontournable pour établir la confiance dans les institutions de l’Etat et apaiser les cœurs et les esprits.

Ce processus de justice transitionnelle accompli par l’IVD est venu suite à des débats animés qui ont agité la société civile après la révolution afin de déterminer quel solution les Tunisiens veulent-ils ? et s’il fallait ou non passer par la tradition du Qassass, une sorte de loi du Talion consistant en l’application de la réciprocité du crime et de la peine et où la communauté se fait justice elle-même. Mais c’est le choix de la justice transitionnelle que les Tunisiens ont inscrit dans leur Constitution votée en janvier 2014. Et cette voie tunisienne que vous êtes en train de récompenser aujourd’hui et qui peut servir de modèle aux pays de la régions déchirés par des conflits violents.

Merci à Toutes et à tous au nom de la Tunisie

Sihem Bensedrine

Présidente de l’Instance Vérité & Dignité.